jeudi 19 mars 2009

À la maison de nos premiers pas

Ça sentait le bois un peu moisi mais encore dur, le bois qui en a vu passer, des amoureux devant ses yeux silencieux.

Ça sentait toujours le pain chaud et croustillant, ça sentait les biscuits à la mélasse et un peu les raisins secs, quand je faisais cuire du pain amérindien et que je le brûlais. Oui, c'est vrai, ça sentait la fumée et le feu de paille, ça sentait le crépitement des bûches et le tisonnier.

Quand on fermait les volets juste avant de quitter, on se précipitait pour s'embrasser quelques secondes avant que tout le monde envahisse notre secret. On s'aimait doucement, costumés et suants, mais on s'aimait pour toutes les minutes où on avait eu envie de s'aimer depuis le début de notre journée.

Les planchers craquaient et au grenier, il y avait de la poussière et des brindilles et des grosses araignées, des fourches et des morceaux de métal non-identifiés, des meules de foins et une grande trappe où j'ai si souvent failli tomber. J'avais peur d'y aller toute seule et en haut des escaliers, en regardant le fleuve plus bas et le moulin au loin, on s'enlaçait en vitesse avant de redescendre vers la réalité.

J'entends encore mes petits pieds sur le pont de bois et mes bonds dans l'allée de petites roches. Quand il pleuvait c'était tellement glissant que tu me tenais par le bras devant tout le monde pour m'aider à traverser, même quand on avait passé une mauvaise journée, enfermés avec eux et incapables de s'aimer.
*
Il y avait des couleuves et des petites salamandres, des coccinelles et des papillons, des moustiques - beaucoup de moustiques le soir - et des crapauds, et il y avait nous au beau milieu de la faune. Parfois je me demandais si nous n'en faisions pas partie.
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Quand je m'étendais par terre près des grands arbres, quand je t'attendais sans faire de bruit quand je ne devais pas être là, avec un livre sous le nez et mes lunettes fumées qui pendouillaient de mon visage, j'admirais la grandeur de la maison blanche et rouge. J'admirais le sol sur lequel je me posais, le sol qui avait accueilli jadis tous les personnages que j'incarnais, le sol qui bon gré malgré, faisaient pousser des grands arbres qui se balançaient tranquillement dans le vent, le vent qui avait fait tourner le moulin et avancer la vie.
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Puis tu arrivais, avec ton sourire en coin et ton chandail frippé, et j'avais plus que jamais envie de t'embrasser, en l'honneur de la vie, et de tous les amoureux qui s'aimaient depuis des siècles devant la maison de nos premiers pas.

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